dimanche 5 octobre 2014

Une famille, quoi qu'ils pensent.

En ce jour merveilleux d'automne, la Manif pour Tous est ressortie de son placard estival (bah oui quoi, les vacances c'est pas fait pour défiler!) pour nous montrer que non, mon épouse, notre petit garçon, notre poupette dans le ventre de sa maman et moi-même n'étions décidément pas une famille.

Si être une famille se cantonne aux liens du sang alors effectivement on en est pas une. Mais une famille c’est bien plus que ça bien entendu.

Notre puce arrivera en mars prochain, on est si heureuses! Ce n'est que du bonheur.

Et le 15 septembre dernier voici ce qui s'est passé pour nous:



Nous nous sommes assises devant la salle 4, 1er étage. Nous a rejoint un autre couple de femmes. Nous avons patienté.

Un autre couple de femmes est sorti avec un air déconfit... et le couple qui attendait avec nous a été appelé.

20 minutes plus tard elles sont sorties, l'une pleurait.

On nous a appelées. Autant vous dire qu'on était dans nos petits souliers. Devant nous un juge et ses deux assesseurs, à gauche je ne sais pas qui et à droite la procureur (jeune, blonde, enceinte, ne nous a pas regardées ou à peine). Le juge nous a demandé d'avancer vers le prétoire. Et il a ouvert le classeur que nous avions déposé il y a huit mois.

Les trois personnes face à nous semblaient bienveillants, souriants, aimables.

Il a répété ce que contenait le dossier, vérifié qu'il était exact et complet. Dans le dossier nous avions glissé le contrat passé il y a deux ans et demi avec la clinique de Gand afin de prouver l'absence du père.

Le juge nous a alors dit, sur un ton un peu las: "bon c'est donc une PMA... le procureur parlera de ça tout à l'heure." Ça ne laissait présager rien de bon.

Puis ce fut à notre tour de parler. Lulla a raconté brièvement notre histoire, pas si jeune, pas si neuve, 10 ans déjà ( PACS et mariage) et des projets lointains d'enfants jouant dans le salon, une construction de vie bien réfléchie.

J'ai juste dit qu'Eliot était mon fils. Quoi qu'il se passe il est mon enfant, mon petit garçon. J'étais là dès le début et je serais là jusqu'à ma fin. Qu'il m'appelle "maman" du matin au soir et surtout la nuit (ça leur a décroché un sourire et un "ah oui, en général c'est à ce moment là qu'on sait bien qu'on est parent"). Que nous sommes une famille.

Après cela il nous a parlé brièvement de l’intérêt de l'enfant, qui pour lui était primordial, et de sa réalité familiale au quotidien. Il nous a fait comprendre que c'est là dessus que lui il se basait pour rendre ses décisions. Et que maintenant allez vous assoir la procureur allait faire son réquisitoire, et là il a dit "mais bien sur la décision du procureur quand à votre cas n'influence en rien la décision du tribunal".

Ça avait l'air important pour lui de le signaler car cette phrase est revenue 4 fois en tout.

Là nous sommes allées nous assoir et la blonde en robe noire sur notre gauche s'est levée et nous a récité, sans jamais nous regarder preuve d'une grande lâcheté, la question posée par le tribunal de Versailles à la Cours de Cassation qui doit se prononcer vers fin septembre: «L'accès à la procréation médicalement assistée sous forme d'un recours à une insémination artificielle avec donneur inconnu à l'étranger par un couple de femmes est-il de nature, dans la mesure où cette assistance ne leur est pas ouverte en France (…), à constituer une fraude à la loi sur l'adoption?». Puis a dit que pour elle la réponse à la question en l'état était oui et que de ce fait elle émettait un avis défavorable.
 
Coup de massue. Cette blondinette qui ne nous avait pas regardées depuis le début de l'audience, qui ne nous connais pas, qui ne sait rien de nos vies nous sort un truc tout cuit. Pas d'argumentaire. Rien. Je retiens mes larmes car je ne pleurerais pas devant elle. Je fais un grand sourire mais elle ne nous regarde pas de toutes façons. Le juge précise à nouveau devant nos petites mines que ce n'est que l'avis du procureur et demande si nous voulons la parole. J'ouvre la bouche mais je préfère la refermer. Les juges ont l'air bienveillants je ne voudrais pas dire une connerie.

Lulla demande si le cas serait le même au sein d'un couple hétérosexuel, on lui réponds que oui. Mais il dit aussi que notre sincérité, le fait que nous ayons rien caché, que nous ayons parlé de notre vie de famille sont autant de choses qui vont peser dans la balance pour sa décision finale que nous recevrons par courrier le 13 octobre.

Je le sens bien ce juge. Mais je sais aussi que certains vous amadouent à coups de grands sourires et par derrière vous détruisent.

Le 13, surement un bon signe.

Sortie du tribunal j'ai pleuré, un peu. La procureur a surement sorti le même laïus tous les couples venus ce jour-là, tel un bon robot aseptisé labellisé manif pour tous. Puis je me suis souvenue des visages avenants, aimables des juges et j'ai repris espoir.

Encore quelques jours d'attente...

1 commentaire:

  1. Bonjour,
    Je me présente Aurélie 29 ans en couple depuis 4 ans et demi avec Fanny 30 ans.
    Félicitation pour votre parcours c'est super !

    Nous aurions quelques questions à vous poser sur votre parcours PMA mais je ne trouve pas de lien pour vous envoyer un message privé. Auriez-vous une adresse mail ?
    Auriez-vous un peu de temps à nous accorder ?

    Merci à vous et à très vite j'espère.

    Aurélie et Fanny

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