dimanche 23 mars 2014

Le coaster

En bonne fan de manèges et parcs d'attractions je pense que la comparaison est juste. L'accouchement de Lulla et donc la naissance d'Eliot, j'ai vécu ça comme un coaster ... de 38H.



Je dois vous dire qu'à la base nous avions une sorte de "plan de naissance" en tête tout en sachant bien que les choses peuvent tourner tout à fait autrement. Autant que faire se peut Lulla ne voulait pas de la péridurale afin d'accoucher dans la position qu'elle voudrait et de pouvoir bouger sans entraves pendant le travail, baignoire, balançoire, ballon, musique... et tété d'accueil pour bébé, mise en place de l'allaitement et tout un tas de choses que nous pensions importantes pour maman Lulla autant que pour bébé Eliot.

Donc on en était à Lulla est malade et reste à la clinique sous surveillance. Le lendemain à 7H elle m'appelle pour me dire qu'elle contracte depuis 4H du matin et donc si je pouvais venir ce serait bien. Dans ma petite tête si elle contractait depuis 4H du matin, ça faisait donc déjà 3H et du coup on avait une chance pour qu'à la fin de la journée Eliot soit avec nous. J'ai donc appelé une amie qui m'a déposée (oui, j'aime les coasters mais je n'ai pas mon permis et pas l'intention de le passer, peur en voiture.) à la clinique et je suis montée dans la chambre où j'ai trouvé une Lulla palote mais souriante.

Effectivement elle avait des contractions, mais celles-ci ne semblaient pas faire avancer le travail. Alors nous sommes restées bien tranquilles dans la chambre à regarder la télévision, entre deux monitorings et examens. Lulla avait vraiment des contractions, elles étaient douloureuses et son ventre était bien dur. Pas de doutes là dessus, le monitoring disait tout pareil. Mais les examens eux disaient que ça n'avançait pas. Ça a été comme ça toute cette journée du 7 mars, à attendre, en soufflant, à marcher un peu dans les couloir, à faire du ballon, des massages... tout ça pour entendre que ça ne faisait aucun effet et que "fallait se détendre" lors d'un examen douloureux. Le soir vers 20H30 une sage femme (pas la meilleure qui soit, elle faisait mal à Lulla à chaque fois et était super antipathique...) est venue nous chercher et à proposé à ma chère et tendre de prendre un bain, elle était ravie.

Dans l'eau, même si c'était moins violent que dehors, les contractions étaient de plus en plus pénibles (normal me direz vous) et elle peinait à trouver une position confortable, cependant ça la soulageait quand même. Une heure plus tard, elle sort de la baignoire, nouvel examen, ça a bougé un peu, mais toujours rien de spectaculaire, et d'un coup, plouf, elle perd les eaux. Il et 22H30. Cela va donc faire 18H que les contractions ont commencé.

On nous conduit dans une chambre avec un lit et un fauteuil. Lulla s'allonge, elle souffre toujours, on reste là un peu plus d'une heure. La sage-femme finit par avoir pitié et décide de lui faire une injection de morphine pour la soulager. Je reste un peu, Lulla est shootée, elle rigole toute seule, ça va mieux elle s'assoupit, moi aussi. La sage-femme me suggère d'aller me reposer dans la chambre, dans le lit. Je tombe de sommeil donc je m'exécute, un peu à contre cœur.

Vers trois heures du matin je sens une main qui me secoue, j'ouvre les yeux, c'est Lulla (et là je suis vraiment surprise, je me dis qu'on doit rentrer à la maison avant de me souvenir qu'en fait elle a déjà perdu les eaux...). Elle me dit qu'elle a bien dormi, que la morphine c'était top (tu m'étonnes, vu comment elle se marrait ça devait être bien!) et qu'à son réveil à l'examen elle était enfin à trois et que selon la sage-femme on peut s'attendre à une naissance pour la fin de matinée, je me lève, elle est toujours "vêtue" de sa tunique, vous savez, les chouettes là, ouvertes derrière... elle me dit qu'ils vont lui faire une péridurale, je pense qu'elle a raison, elle en a déjà bien bavé, on est à 24H après le début des contractions.

On retourne vers les salles de naissance, je la soutiens pour qu'elle ne fasse pas trop d'efforts, elle a l'air bien, moi aussi je me sens bien, je suis reposée et prête à l'épauler pour les heures qui restent. Je patiente dans le couloir pendant que l’anesthésiste fait son travail, un nounours sympathique et blagueur, c'est agréable. Puis me revoilà dans la salle de naissance, Lulla accrochée à ses perfusions, le sourire aux lèvres. Tout va bien, plus de douleur, plus de larmes. Je m’assoupis à nouveau, finalement une heure de sommeil en plus ça ne fera pas de mal non?

Vers 7H on vient faire un examen. Ca ne bouge pas, enfin ça bouge mais trèèèès lentement. Mais ça va, Lulla est toujours bien, mais je la trouve un peu pâle et absente, je surveille le monitoring comme l'huile sur le feu, cœur du bébé, cœur de Lulla, tension, contractions... sa tension fait le yo-yo "tout va bien" me dit-on, OK, je ne suis pas du métier.

A 9H du matin le 8 mars je suis vraiment inquiète, je regarde Lulla depuis déjà un moment elle est en sueur, elle est grise, le visage creusé, elle sourit, elle me dit qu'elle se sent bien, mais la tension est basse et elle est moite et froide. Puis je remarque la couleur de ses doigts... violets foncé. Je ne dis rien et vais regarder ses doigts de pieds, violet foncé. Elle tremble par moments. Je sors dans le couloir faire part de tout ça à qui de droit on me dit "elle doit avoir froid"... Ah. Je finis par insister. Elles viennent voir, la frictionnent, Lulla claque des dents mais dit qu'elle n'a pas froid. Elles appellent l'anesthésiste qui met un produit dans la perfusion ... 20 minutes plus tard elle a retrouver des couleurs mais commence un vrai cauchemar.

Les effets de la péridurale s'estompent. Elle souffre. Beaucoup. Je ne sais plus quoi faire pour l'aider. Je souffle en même temps qu'elle, contracte mes muscles en même temps que les siens se contractent. Je suis debout à ses côtés, le brumisateur dans une main, sa main dans l'autre. Le travail n'accélère pas. Le col ne bouge pas. Ou très peu. Mais elle est si courageuse, elle ne crie pas et pourtant son visage est tordu par la douleur. Les heures passent, difficiles, avec des larmes, des moments ou le calme se perd, ça n'avance pas. Par solidarité sans doute, mais complétement inconsciente, je ne bois pas et je ne mange pas.

A 14H ils commencent à parler de césarienne, Lulla les supplient de le faire. Mais non. Ces dernières heures vont être les pires, bien sur. Lulla est épuisée, elle n'arrive plus à se calmer et fait des crises d'angoisses par dessus la douleur, je suis impuissante, comme l'est tout accompagnant, mes mots ne lui servent plus à rien. Je reste là, c'est toujours ça.

La sage femme quand à elle (pas la même que la nuit précédente) est super, une jeune femme qui a les mots pour la raisonner, qui la masse et la fait bouger de position, qui l'encourage et la félicite de son calme alors que clairement il y a un soucis.

Vers 17H30 on voit enfin le bout du tunnel. La sage femme commence à s'installer. Elle a appellé le gynécologue qui nous a suivi pendant la grossesse, et le temps qu'il arrive elle commence à faire pousser Lulla. Je lui tiens la main et je l'aide à s'enrouler sur elle-même pendant les poussées, je l'encourage du plus fort que je peux, j'ai l'impression d'être comme dans du coton, un peu hors de mon corps. Mais il ne se passe rien, la tête d'Eliot n'avance pas. Le gynéco arrive, il demande la ventouse, il voit bien que là il y a un soucis, et c'est parti... trois ou quatre essais mais ça ne marche pas. Il demande les spatules. Il a comprit le problème: Eliot "regarde les étoiles", il a le visage tourné vers le plafond et la tête n'est pas fléchie, il ne pouvait donc pas pousser sur le col pour sortir.

Je vois ces deux spatules argentée et je ne peux m’empêcher de dire "on dirait une pince à escargots"... oui on dit des choses bizarres des fois. Quelques secondes après je voyais le visage de mon fils. j'étais émue aux larmes alors qu'il n'était pas encore entièrement dehors. La bosse sur son front due à la ventouse était perturbante, mais le plus fou c'était ses yeux, ouverts, déjà grands. Puis il est sorti, il a pleuré immédiatement, sur le ventre de sa mère enfin soulagée de sa douleur. J'ai coupé le cordon. Il était 18H10.

Le premiers mots qui me sont venus à l'esprit "grand", "beau", "mon fils".

Je vais bien sur dire à quel point j'étais fière de ma femme et de cette épreuve qu'elle venait de traverser avec un immense courage, sans un cri, une douleur que je ne pourrais jamais mesurer et que de fait j’imagine comme étant la plus insupportable. Elle a été parfaite et au final elle l'a eu, son accouchement sans péridurale. Elle m'a fait le plus beau cadeau de tous: elle m'a offert la maternité et pour ça je lui serait à jamais reconnaissante.

Et de les voir là, elle et lui, déjà au sein, dans cette salle de naissance. Prendre toute la dimension de la vie qui bascule. La douceur de cette scène si banale et si unique à la fois, mon appareil photo en main, j'ai scruté ses pieds, ses "grandes" mains, ses yeux bien ouverts, son nez tout rond, les quelques cheveux sur sa tête, ses petite oreilles bien collées... Ils étaient beaux.

Puis je suis allée avec lui pour ses premier soins, il a pleuré tout du long, moi aussi. 51,5 centimètres, 3,4 kilos, une couche, un body, une brassière tricotée par Mamie Pou (la maman de Lulla) pour Lulla quand elle était bébé, des chaussettes, le pyjama Vertbaudet avec le raton laveur masqué, un bonnet... il ne pleure plus, il est bien là dans sont landau transparent, sous sa couette, il regarde autour de lui.

On nous ramène dans la chambre, je peux enfin le tenir dans mes bras.

Il est beau, mon fils.


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